Faut-il réintégrer un salarié protégé accusé de harcèlement sexuel si son licenciement est refusé ?
Lorsqu’un salarié protégé fait l’objet d’une demande de licenciement refusée par l’inspecteur du travail, il doit être réintégré dans son emploi s’il le demande.
Toutefois, dans un arrêt du 8 janvier 2025, la Cour de cassation précise que si cette réintégration expose les salariées de l’entreprise à un risque de harcèlement sexuel, l’employeur peut invoquer une impossibilité de réintégration.
1/ Un salarié protégé mis à pied pour harcèlement sexuel puis non réintégré
Dans cette affaire, un aide-soignant délégué syndical employé dans une association d’accueil pour personnes handicapées a été mis à pied à titre conservatoire le 30 novembre 2016.
Une salariée en contrat de professionnalisation l’accusait de propos et gestes déplacés à connotation sexuelle.
L’employeur a sollicité l’autorisation de licenciement auprès de l’inspection du travail, qui a été refusée le 14 février 2017.
Dans l’attente du jugement, l’employeur a dispensé le salarié d’activité tout en lui maintenant sa rémunération.
Le 16 mars 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant son absence de réintégration après le refus d’autorisation de l’inspecteur du travail.
Il a saisi les prud’hommes pour faire requalifier cette prise d’acte en licenciement nul et obtenir diverses indemnités.
Le tribunal administratif a ensuite annulé la décision de l’inspecteur du travail le 20 septembre 2017, reconnaissant ainsi la validité de la demande de licenciement initiale.
La cour d’appel a toutefois donné raison au salarié, estimant que l’employeur aurait dû le réintégrer immédiatement après le refus de l’inspecteur du travail.
Elle a donc condamné l’employeur à verser diverses indemnités au salarié pour licenciement nul et violation du statut protecteur.
L’employeur s’est pourvu en cassation.
2/ L’obligation de réintégration face à l’obligation de prévention du harcèlement sexuel
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle que l’employeur est tenu de prévenir et sanctionner les faits de harcèlement sexuel (article L. 1153-5 du Code du travail).
Il a également une obligation générale de sécurité (article L. 4121-1 du Code du travail).
Par ailleurs, un salarié protégé dont le licenciement est refusé par l’inspecteur du travail doit être réintégré s’il le demande, sauf si l’employeur justifie d’une impossibilité de réintégration (article L. 2411-1 du Code du travail).
En l’espèce, plusieurs attestations de salariées faisaient état de proximité physique excessive, de gestes non sollicités et de remarques à connotation sexuelle.
La Cour de cassation considère que la cour d’appel aurait dû vérifier si l’impossibilité de réintégration résultait d’un risque avéré de harcèlement sexuel, ce qui aurait exonéré l’employeur de son obligation de réintégration.
L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel, qui devra apprécier si la dispense d’activité imposée par l’employeur était justifiée par la nécessité de protéger les autres salariés.
3/ Une prise d’acte qui pourrait être requalifiée en démission
Si l’impossibilité de réintégrer le salarié est reconnue, la prise d’acte ne pourra pas être qualifiée de licenciement nul.
Dans ce cas, elle pourrait produire les effets d’une démission, l’absence de réintégration ne constituant pas un manquement suffisamment grave de l’employeur.
Cass. soc. 8 janvier 2025, n° 23-12574 FD