Suspension du permis de conduire d’un salarié : pas de licenciement automatique
La Cour de cassation rappelle que la suspension du permis de conduire d’un salarié, même si celui-ci en a besoin pour travailler, ne justifie pas automatiquement un licenciement.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025, elle considère qu’un employeur doit prendre en compte les circonstances et les solutions alternatives proposées avant de prononcer une rupture du contrat.
1/ Un salarié conteste son licenciement après la suspension de son permis de conduire
Le 18 septembre 2019, un technico-commercial itinérant est contrôlé en excès de vitesse de plus de 40 km/h au volant d’un véhicule de l’entreprise.
Il fait alors l’objet d’une suspension administrative de son permis de conduire pour trois mois.
Le lendemain, son employeur le convoque à un entretien préalable et le met à pied à titre conservatoire.
Le 8 octobre 2019, il est licencié pour faute grave.
Le salarié saisit les juges pour contester son licenciement, estimant qu’il n’avait pas commis une faute suffisamment grave pour justifier cette décision.
2/ La suspension du permis ne justifie pas automatiquement un licenciement
Dans cette affaire, la Cour de cassation examine la question suivante :
L’excès de vitesse d’un salarié, entraînant une suspension de permis, constitue-t-il une faute grave justifiant un licenciement ?
Elle répond par la négative.
Si une sanction était justifiée, la faute commise ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
3/ Les juges retiennent plusieurs arguments en faveur du salarié :
✅ Avertissement immédiat et prise de responsabilité : le salarié a informé immédiatement son employeur et a assumé son acte.
✅ Solutions alternatives proposées : il avait suggéré plusieurs solutions pour continuer à travailler, telles que :
- Louer un véhicule sans permis à ses frais ;
- Être véhiculé par un collègue et organiser des tournées communes (rayon d’environ 50 km) ;
- Utiliser son véhicule personnel, comme mentionné dans son contrat.
✅ Aucun antécédent en huit ans de service : c’était son seul excès de vitesse et il disposait encore de 12 points sur son permis.
✅ Manque de prévention de l’employeur : l’entreprise ne prouvait pas avoir mis en place des formations de prévention routière ou une politique stricte en matière de sécurité au volant.
4/ Condamnation de l’employeur
La Cour de cassation confirme que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur est condamné à verser au salarié :
✔ Un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire
✔ Une indemnité compensatrice de préavis
✔ Une indemnité de licenciement
✔ Des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
✔ Les congés payés afférents
5/ Quand la perte du permis peut-elle justifier un licenciement ?
Dans certaines affaires, la perte du permis de conduire a bien justifié un licenciement, notamment lorsque le salarié n’était plus en mesure d’exécuter son travail.
Les juges ont alors retenu un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise (Cass. soc. 24 janvier 2007, n° 05-41598 D ; Cass. soc. 1er avril 2009, n° 08-42071 D).
Cependant, chaque situation doit être examinée au cas par cas, en prenant en compte la gravité de la faute et les alternatives envisageables.