Licenciement pour ivresse : l’employeur n’a pas à corriger le résultat du test en appliquant la marge d’erreur des éthylomètres
Lorsqu’un salarié exerçant un poste à risque est contrôlé positif à un test d’alcoolémie sur son lieu de travail, son licenciement pour faute grave peut être justifié.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 février 2025, rappelle que l’employeur n’a pas à ajuster le résultat du testen appliquant une marge d’erreur, prévue par la réglementation des éthylomètres utilisés dans un contexte routier.
1. Un salarié est licencié après un contrôle d’alcoolémie révélant 0,28 mg/l d’air expiré
Le 20 octobre 2020, un salarié, opérateur polyvalent sur un chantier de meulage, fait l’objet d’un contrôle d’alcoolémie aléatoire.
- L’éthylomètre affiche un taux de 0,28 mg d’alcool par litre d’air expiré, soit un résultat supérieur à 0,25 mg/l, seuil au-delà duquel un conducteur est considéré en état d’ébriété selon le code de la route (article R. 234-1 du code de la route).
- Il est convoqué à un entretien préalable, puis mis à pied à titre conservatoire.
- Le 3 novembre 2020, il est licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de la rupture de son contrat de travail.
2. Un salarié en état d’imprégnation alcoolique peut être licencié
L’employeur est tenu de garantir la sécurité des salariés en entreprise (article L. 4121-1 du code du travail).
À ce titre, il doit notamment :
- Interdire l’accès à l’entreprise à toute personne en état d’ivresse (article R. 4228-21 du code du travail).
- Encadrer ou interdire la consommation d’alcool par règlement intérieur ou note de service, sous réserve que ces restrictions soient proportionnées (article R. 4228-20 du code du travail).
Le non-respect de ces règles peut être sanctionné si les conditions de contrôle sont réunies.
- Si le poste du salarié implique un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, une faute grave peut être retenue, justifiant le licenciement (Cour de cassation, chambre sociale, 22 mai 2002, numéro 99-45878).
Dans l’affaire jugée le 26 février 2025, la Cour de cassation rappelle qu’un salarié qui exerce un poste à risque et qui se présente sur son lieu de travail en état d’imprégnation alcoolique viole ses obligations contractuelles, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Dès lors, le licenciement pour faute grave était fondé, le contrôle ayant révélé un taux supérieur à la limite de 0,25 mg/l d’air expiré.
Toutefois, l’argument du salarié portait sur l’application d’une marge d’erreur réglementaire aux résultats du test.
3. L’employeur n’a pas à appliquer une marge d’erreur aux résultats de l’alcootest
Le salarié invoquait une réglementation propre aux éthylomètres, selon laquelle les résultats doivent être corrigés en tenant compte d’une marge d’erreur (arrêté du 8 juillet 2003, article 15).
Selon cette règle :
- Un test affichant 0,28 mg/l d’air expiré pourrait, après correction, être ramené entre 0,22 mg/l et 0,24 mg/l, soit en deçà de la limite de 0,25 mg/l.
- Le salarié considérait donc que son état d’imprégnation alcoolique n’était pas établi avec certitude et contestait la validité du licenciement.
Mais la Cour de cassation rejette cet argument.
- Elle rappelle que l’éthylomètre n’est qu’un outil de mesure permettant d’identifier un état d’imprégnation alcoolique.
- Peu importe que la marge d’erreur réglementaire puisse faire descendre le résultat sous 0,25 mg/l : les faits restent les mêmes.
- En raison des obligations de sécurité de l’employeur et des risques spécifiques du poste, le licenciement pour faute grave demeure justifié.
Cet arrêt confirme que les juges n’ont pas à appliquer une marge d’erreur aux tests d’alcoolémie dans un contexte professionnel.
4. Rappel sur les conditions de validité des tests d’alcoolémie en entreprise
Bien que cette question n’ait pas été soulevée dans l’affaire, il convient de rappeler les règles applicables au contrôle de l’alcoolémie en entreprise.
- Le règlement intérieur doit prévoir expressément la possibilité de soumettre les salariés à des tests d’alcoolémie.
- Les modalités des tests doivent permettre au salarié de contester le résultat.
- Le contrôle ne peut être imposé qu’aux postes présentant un risque pour la sécurité des personnes ou des biens.
En l’absence de ces garanties, un contrôle d’alcoolémie pourrait être jugé irrégulier.
Conclusion
Par cet arrêt du 26 février 2025, la Cour de cassation réaffirme plusieurs principes clés :
- Un salarié occupant un poste à risque peut être licencié pour faute grave en cas d’imprégnation alcoolique sur son lieu de travail.
- L’employeur n’a pas à appliquer une marge d’erreur réglementaire aux résultats des tests d’alcoolémie.
- La sécurité des salariés et des biens prime sur les contestations liées à la précision des mesures effectuées par un éthylomètre.
Cet arrêt renforce la marge de manœuvre des employeurs pour sanctionner la consommation d’alcool en milieu professionnel, notamment sur des postes à responsabilité ou impliquant un risque accru.
Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2025, numéro 23-10506