Mise à pied conservatoire ou disciplinaire : la Cour de cassation rappelle la distinction
Dans un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour de cassation précise qu’une mise à pied prononcée dans l’attente du résultat d’une enquête interne avant l’engagement d’une procédure de licenciement n’a pas un caractère disciplinaire.
Il s’agit d’une mesure conservatoire, provisoire et préventive, et non d’une sanction.
1. Les deux types de mise à pied : conservatoire et disciplinaire
La mise à pied conservatoire permet à l’employeur d’écarter immédiatement le salarié de l’entreprise dans l’attente d’une décision à venir, lorsque les faits reprochés paraissent d’une gravité telle qu’ils justifient son éloignement immédiat.
Elle n’est pas une sanction, mais une mesure temporaire, le temps de déterminer la suite à donner à la procédure disciplinaire.
Seules les fautes graves ou lourdes peuvent justifier cette mise à l’écart.
La mise à pied disciplinaire, à l’inverse, constitue une sanction prévue par le règlement intérieur.
Elle suppose le respect de la procédure disciplinaire (convocation, entretien préalable, notification motivée) conformément aux articles L. 1332-2 et R. 1332-1 à R. 1332-3 du Code du travail.
Confondre les deux notions n’est pas sans conséquence : un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits. Si la mise à pied est jugée disciplinaire, un licenciement ultérieur pour les mêmes faits serait nul pour double sanction.
2. Les faits : une mise à pied avant enquête interne
Un second de cuisine, embauché en 2013, est mis à pied le 22 juin 2017, dans l’attente d’une enquête interne confiée au référent sécurité.
Le rapport d’enquête est remis le 15 juillet, et le salarié est convoqué à un entretien préalable dès le 12 juillet (avant la conclusion de l’enquête).
Il est licencié pour faute grave le 2 août 2017.
Le salarié saisit la justice, soutenant que la mise à pied était disciplinaire, ce qui rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel lui donne raison, estimant que :
- la lettre de mise à pied ne mentionnait pas clairement que la mesure dépendait des résultats de l’enquête ;
- la convocation à l’entretien préalable était intervenue avant la fin de cette enquête ;
- et que le délai de trois semaines entre la mise à pied et la convocation n’était pas justifié.
3. La Cour de cassation rétablit la nature conservatoire de la mesure
La Haute juridiction casse la décision.
Elle rappelle qu’une mesure d’éloignement temporaire, décidée dans l’attente d’une décision à venir, ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens des articles L. 1331-1 et L. 1332-3 du Code du travail.
Le délai de trois semaines entre la mise à pied et la convocation était justifié par la nécessité de procéder à des investigations avant d’envisager un licenciement pour faute.
La Cour en déduit que la mise à pied avait bien un caractère conservatoire, même si la lettre ne mentionnait pas explicitement qu’elle était subordonnée aux résultats de l’enquête.
L’affaire est renvoyée devant la même cour d’appel autrement composée.
Cass. soc., 17 septembre 2025, n° 23-23.671 D