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12 Nov 2025

Contrat de travail : la simple mention du lieu de travail n’interdit pas une affectation dans le même secteur géographique

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Dans un arrêt du 22 octobre 2025, la Cour de cassation rappelle que la mention d’un lieu de travail dans le contrat n’a qu’une valeur informative, sauf si le contrat précise expressément que le salarié exerce exclusivement dans ce lieu.
Ainsi, l’employeur peut changer le site d’affectation du salarié au sein du même secteur géographique, sans avoir besoin de son accord.

 

1. Le contexte : une salariée refuse une nouvelle affectation

Une salariée, employée comme agent de service dans une entreprise de nettoyage industriel, travaillait sur un site mentionné dans son contrat de travail.
À la suite d’un transfert de contrat à un nouvel employeur en 2022, celui-ci lui a proposé plusieurs avenants pour l’affecter sur d’autres sites.
La salariée les a refusés, estimant que l’employeur ne pouvait pas modifier son lieu de travail sans son accord, et a réclamé le paiement de rappels de salaires pour la période durant laquelle elle n’avait pas travaillé.

La cour d’appel lui donne raison, considérant que la mention du lieu de travail dans l’avenant constituait une clause contractuelle, interdisant tout changement sans accord.

 

2. La position de la Cour de cassation : une mention à portée informative

La Cour de cassation censure cette décision.
Elle rappelle que, selon une jurisprudence constante (notamment Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712), la mention du lieu de travail dans le contrat ne le contractualise pas :

« Le lieu de travail n’a qu’une valeur informative, sauf stipulation claire et précise selon laquelle le salarié exercera exclusivement ses fonctions dans ce lieu. »

En l’absence d’une telle clause, l’employeur est libre de modifier le lieu de travail du salarié dans le même secteur géographique, sans que cela constitue une modification du contrat, mais seulement un changement des conditions de travail.

 

3. Les limites : la notion de “secteur géographique”

Pour apprécier si le nouveau site est situé dans le même secteur géographique, les juges prennent en compte :

  • la distance entre les deux lieux ;
  • l’homogénéité du bassin d’emploi ;
  • les moyens de transport disponibles (transports en commun, covoiturage) ;
  • ainsi que les contraintes de trajet (fatigue, frais engendrés, temps de transport).

Si ces éléments révèlent que le changement n’impose pas de contrainte excessive, il ne nécessite pas l’accord du salarié.
En revanche, lorsque le contrat stipule un lieu exclusif d’exécution, ou lorsque le salarié est protégé, tout transfert nécessite son accord exprès.

 

4. Application au cas d’espèce : absence de clause d’exclusivité

Dans cette affaire, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le contrat de travail ou ses avenants précisaient que la salariée devait travailler exclusivement dans le lieu indiqué.
En l’absence d’une telle clause, la mention du lieu n’avait qu’une valeur informative.

L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel autrement composée, afin qu’elle vérifie si le contrat excluait explicitement toute mobilité hors du site initial.

 

Cass. soc., 22 octobre 2025, n° 23-21.593 D

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