Harcèlement, moral et bonne foi du salarié: apport sur la temporalité
Dans un arrêt du 3 septembre 2025, la Cour de cassation rappelle qu’un salarié qui dénonce un harcèlement moral est protégé contre toute mesure de représailles, y compris le licenciement, s’il agit de bonne foi.
La mauvaise foi, seule susceptible de justifier un licenciement, ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés.
Le fait que le CHSCT ait conclu à l’absence de harcèlement avéré ne suffit donc pas à prouver la mauvaise foi du salarié.
1. Le cadre juridique : une protection absolue sauf mauvaise foi démontrée
Le Code du travail interdit toute sanction ou rupture du contrat de travail motivée par la dénonciation d’un harcèlement moral (articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3).
Le licenciement prononcé pour ce motif est nul, même si les faits dénoncés ne constituent pas finalement un harcèlement (Cass. soc., 19 oct. 2022, n° 21-19.449).
Seule la mauvaise foi du salarié peut justifier une sanction, à condition que l’employeur prouve qu’il savait que les faits qu’il dénonçait étaient faux (Cass. soc., 7 fév. 2012, n° 10-18.035 ; Cass. soc., 15 fév. 2023, n° 21-20.811).
Cette preuve incombe à l’employeur (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554).
2. Le litige : une salariée licenciée pour avoir dénoncé sa supérieure
Une salariée reconnue travailleuse handicapée et en arrêt maladie adresse à sa direction, à l’inspection du travail et au CHSCT un courrier dénonçant des actes de harcèlement moral commis par sa supérieure hiérarchique.
L’employeur engage alors une procédure disciplinaire et la licencie pour faute grave, estimant qu’elle avait porté des accusations mensongères dans le but de nuire.
L’enquête menée par le CHSCT conclut en effet qu’aucune situation de harcèlement moral avérée n’était établie, même si la supérieure reconnaissait avoir tenu des propos inappropriés une seule fois.
Pour l’employeur, cette conclusion prouvait que la salariée avait sciemment inventé les faits reprochés.
3. La décision : la bonne foi du salarié est préservée
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.
Elle confirme que la bonne foi de la salariée devait être appréciée au moment de la dénonciation, et non à la lumière des conclusions ultérieures du CHSCT.
Les juges du fond avaient constaté que :
la salariée n’avait pas connaissance de la fausseté des faits lorsqu’elle les avait dénoncés ;
le CHSCT avait été saisi après son courrier, pour mener l’enquête à la suite de son signalement.
La Cour en déduit que la mauvaise foi n’était pas établie, et que le licenciement était nul.
4. Ce qu’il faut retenir
Un salarié bénéficie d’une protection renforcée lorsqu’il dénonce un harcèlement moral :
même si l’enquête interne ou celle du CSE (ex-CHSCT) ne confirme pas le harcèlement, la bonne foi du salarié est présumée ;
seule la preuve d’une dénonciation mensongère en toute connaissance de cause peut justifier une sanction ;
la charge de la preuve repose toujours sur l’employeur.
En somme, le simple fait de dénoncer un comportement ressenti comme du harcèlement, sans intention de nuire, ne peut jamais fonder un licenciement.
Cass. soc., 3 septembre 2025, n° 23-19.429 FD
