Preuve de la discrimination : le respect du RGPD au cœur des litiges
La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 octobre 2024 (Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n°21-20.979 FS-BR), a rappelé l’importance de la protection des données personnelles dans le cadre des litiges en matière de discrimination.
Elle souligne que le juge doit veiller à la licéité de la communication de documents contenant des informations personnelles, en se conformant au règlement général sur la protection des données (RGPD).
Cette décision impose au juge de s’assurer que les documents transmis respectent le principe de minimisation des données, c’est-à-dire qu’ils doivent être adéquats, pertinents et strictement nécessaires à la résolution du litige.
La communication des documents personnels en question
Dans cette affaire, un salarié, estimant avoir été victime de discrimination syndicale, avait demandé la communication des bulletins de paie et des historiques de carrière de 9 collègues pour établir une comparaison.
Le tribunal avait ordonné la communication de ces documents, mais l’employeur s’y était opposé, invoquant le respect du droit à la protection des données des salariés concernés, garanti par le RGPD (Règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016).
La Cour de cassation a confirmé que le RGPD s’applique dans ce type de situation, et que le juge doit s’assurer que la mesure ordonnée est nécessaire, proportionnée, et respecte le cadre fixé par le droit national.
Notamment, l’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute forme de discrimination, y compris syndicale, et l’article L. 1134-1 impose au salarié de présenter des éléments de fait suggérant l’existence d’une discrimination.
Le Code de procédure civile (article 144) permet également au juge de prononcer des mesures d’instruction dans le respect de la proportionnalité.
Le rôle du juge face à la protection des données personnelles
L’arrêt du 3 octobre impose au juge de respecter le principe de minimisation des données, ce qui signifie qu’il doit veiller à ce que les informations transmises soient limitées au strict nécessaire.
Cela inclut notamment :
1/ Vérification de la nécessité : Le juge doit d’abord déterminer si la communication des documents est indispensable à l’exercice du droit à la preuve du salarié.
2/ Limitation des données : Il doit également restreindre le périmètre des documents fournis, en occultant toutes les données qui ne sont pas nécessaires pour établir une comparaison entre salariés.
3/ Contrôle de la proportionnalité : Le juge doit s’assurer que les données transmises sont adéquates, pertinentes, et limitées à ce qui est strictement indispensable pour prouver la discrimination.
4/ Enfin, le juge peut ordonner que les données personnelles des salariés concernés ne soient utilisées qu’à des fins de comparaison dans le cadre de l’action en discrimination, garantissant ainsi la protection des tiers au litige.
Conclusion
Cet arrêt de la Cour de cassation renforce les obligations des juges en matière de protection des données personnelles dans les litiges portant sur des discriminations.
En s’appuyant sur le RGPD, la juridiction impose un cadre strict afin de limiter l’atteinte à la vie privée des salariés non directement impliqués dans le contentieux.
Pour les DRH, cela souligne l’importance de la conformité des procédures de gestion des litiges avec les exigences du RGPD, notamment en ce qui concerne la communication de documents sensibles tels que les bulletins de paie.
Références :
Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, no 21-20.979 FS-BR, RGPD (art. 5 § 1, art. 6 § 3, art. 6 § 4, art. 23), Code du travail (art. L. 1132-1, art. L. 1134-1), Code de procédure civile (art. 144).