Licenciement pendant un arrêt de travail pour accident ou maladie professionnelle : des justifications strictes
Dans un arrêt du 27 novembre 2024 (Cour de cassation, chambre sociale, n° 23-13056 D), la Cour de cassation rappelle que, pendant un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, un licenciement pour faute grave ne peut être fondé que sur un manquement avéré à l’obligation de loyauté du salarié.
Cette exigence, strictement encadrée, rend difficile la justification d’une telle rupture.
1/ Un cadre légal limité aux situations exceptionnelles
Le Code du Travail interdit de licencier un salarié pendant la période de suspension de son contrat de travail liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle, sauf dans deux cas précis :
1. En cas de faute grave du salarié ;
2. En cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour une raison étrangère à l’accident ou à la maladie (article L. 1226-9 du Code du Travail).
En dehors de ces hypothèses, le licenciement est nul et ouvre droit à une indemnisation spécifique (article L. 1226-13 du Code du Travail).
2/ L’obligation de loyauté pendant la suspension du contrat
Même en période de suspension du contrat, l’employeur peut invoquer un manquement à l’obligation de loyauté pour justifier une faute grave.
Cette obligation, inscrite dans l’article L. 1222-1 du Code du Travail et l’article 1104 du Code Civil, impose au salarié d’agir de bonne foi, en évitant tout comportement préjudiciable à l’entreprise.
Cependant, la Cour de cassation a déjà jugé que l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail n’est pas, en soi, déloyal, sauf si cette activité porte préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (Cour de cassation, chambre sociale, 4 juin 2002, n° 00-40894).
3/ Un exemple de licenciement annulé
Dans l’affaire jugée, un salarié en arrêt pour accident du travail du 28 juillet 2015 au 1er mai 2016 avait été licencié pour faute grave. L’employeur lui reprochait :
• d’avoir travaillé sur un chantier chez un particulier pendant son arrêt, ce qui aurait causé un préjudice ;
• d’avoir détourné des matériaux de l’entreprise ;
• de s’être absenté de son domicile pendant des heures non autorisées.
La Cour d’appel et la Cour de cassation ont jugé que les preuves apportées ne suffisaient pas à établir une faute grave :
• aucune rémunération ou activité concurrente n’était prouvée ;
• le béton utilisé sur le chantier avait été facturé par l’entreprise ;
• l’absence du salarié de son domicile ne constituait pas une violation grave.
4/ En l’absence de faute grave, le licenciement a été déclaré nul.
Les conséquences pour l’employeur
La nullité du licenciement a entraîné :
1. Le versement des indemnités de rupture (préavis, congés payés, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) ;
2. Une indemnité spécifique pour licenciement nul, correspondant à six mois de salaire minimum, conformément à l’article L. 1226-13 du Code du Travail.
En l’espèce, le salarié a obtenu 35 000 €, soit près de dix mois de salaire.
5/ Conclusion
Cet arrêt souligne la rigueur avec laquelle les juges encadrent les licenciements pour faute grave d’un salarié en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Les employeurs doivent être particulièrement vigilants : toute accusation de manquement à l’obligation de loyauté doit être appuyée par des preuves solides et établir un véritable préjudice pour justifier une telle décision.