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14 Déc 2024

Liberté d’expression: des SMS peuvent justifier un licenciement pour faute grave

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Dans un arrêt du 11 décembre 2024 (n°23-20716 FB), la Cour de cassation confirme qu’un employeur peut licencier un salarié pour abus de sa liberté d’expression, en s’appuyant sur des SMS envoyés depuis un téléphone professionnel.
Même si ces messages ne sont diffusés qu’à un cercle restreint, leur contenu injurieux ou excessif peut justifier une sanction disciplinaire.

1/ Contexte : des propos dénigrants échangés par SMS professionnels

Un salarié, occupant un poste de manager, a été licencié pour faute lourde après avoir tenu des propos injurieux et critiques à l’encontre de l’entreprise et de ses dirigeants via des SMS envoyés depuis un téléphone professionnel.
Les messages incluaient notamment des surnoms dénigrants pour des supérieurs hiérarchiques et des critiques adressées à des collègues, des subordonnés et des anciens salariés en litige avec l’entreprise.

Le salarié contestait son licenciement, arguant que ces propos relevaient d’échanges privés dans un contexte restreint, sans intention de nuire à l’entreprise.

2/ Liberté d’expression en entreprise : limites et abus

Le salarié bénéficie de la liberté d’expression, en entreprise comme en dehors, mais cette liberté connaît des limites.
Elle ne peut dégénérer en abus caractérisé par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (article L. 1121-1 du Code du travail).

La Cour de cassation précise que le caractère restreint de la diffusion (par exemple, à un seul collègue) n’exclut pas l’abus si les propos portent atteinte à l’entreprise ou à ses dirigeants.
En l’espèce, les termes injurieux utilisés constituaient une faute grave, justifiant le licenciement.

3/ Caractère professionnel des SMS : une preuve recevable

La Cour rappelle que des SMS envoyés depuis un téléphone professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel, notamment si leur contenu concerne l’activité de l’entreprise.

Dans cette affaire :
• Le téléphone utilisé avait été fourni par l’employeur pour des raisons professionnelles.
• Les messages étaient en lien avec l’entreprise et destinés à des salariés ou anciens salariés en litige avec celle-ci.

Ainsi, l’employeur pouvait légitimement utiliser ces messages comme preuve dans une procédure disciplinaire.
Peu importait que les SMS n’aient pas été destinés à une diffusion publique.

4/ Respect de la vie privée et droit à la preuve

Bien que le respect de la vie privée du salarié impose des limites à l’utilisation d’éléments à caractère privé, ces preuves ne sont pas systématiquement irrecevables. Si elles remplissent les conditions de proportionnalité et de loyauté, elles peuvent être retenues pour garantir le droit à la preuve (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20648 BR).

5/ En conclusion

Cette décision réaffirme que les salariés doivent faire preuve de prudence dans leurs échanges professionnels, y compris par SMS.
Les employeurs, de leur côté, peuvent utiliser ces échanges pour sanctionner des abus de liberté d’expression lorsqu’ils portent préjudice à l’entreprise.

Références juridiques :
• Article L. 1121-1 du Code du travail
• Cour de cassation, chambre sociale, 11 décembre 2024, n° 23-20716 FB
• Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20648 BR