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21 Jan 2025

Le non-respect du délai de carence entre deux contrats de mission entraîne la requalification

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Lorsqu’une entreprise de travail temporaire (ETT) conclut plusieurs contrats de mission successifs avec un même salarié, elle doit respecter un délai de carence entre chaque contrat, sauf exception prévue par la loi ou par un accord collectif.

Dans un arrêt du 15 janvier 2025, la Cour de cassation rappelle que l’accroissement temporaire d’activité ne constitue pas une dérogation à cette règle.

L’inobservation du délai de carence entraîne la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée (CDI).

1/ Le délai de carence entre deux contrats de mission

À l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru au même poste, ni à un contrat à durée déterminée (CDD), ni à un nouveau contrat de mission avant l’expiration d’un délai de carence (article L. 1251-36 du Code du travail).

Par exception, une convention collective ou un accord de branche peut prévoir des cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable (article L. 1251-37 du Code du travail).

En l’absence de stipulations conventionnelles, seuls les cas prévus par le Code du travail permettent d’écarter le délai de carence (article L. 1251-37-1 du Code du travail).

2/ Quinze contrats de mission suivis d’un CDD : un salarié demande la requalification en CDI

Dans cette affaire, un maçon VRD (voirie et réseaux divers) a été mis à disposition d’une entreprise utilisatrice via 15 contrats de mission conclus entre le 7 janvier et le 9 août 2019, tous fondés sur un accroissement temporaire d’activité.

À l’issue de ces contrats, l’entreprise utilisatrice l’a engagé en CDD du 15 juillet 2019 (pour une prise d’effet au 2 septembre) jusqu’au 31 décembre 2019, toujours pour le même poste et motif.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 3 mars 2020 pour demander la requalification de ses contrats en CDI, ainsi que l’indemnisation de son licenciement, qu’il estimait nul.

Il reprochait à l’ETT de ne pas avoir respecté le délai de carence entre ses contrats de mission.

La cour d’appel a rejeté sa demande, bien qu’elle ait reconnu que l’accroissement temporaire d’activité nécessitait l’application d’un délai de carence.

Elle a estimé que le non-respect de ce délai ne suffisait pas à justifier une requalification.

Le salarié s’est alors pourvu en cassation.

3/ L’accroissement temporaire d’activité ne permet pas d’écarter le délai de carence

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel.

Elle rappelle que le délai de carence doit être respecté par l’ETT, sauf exceptions limitativement énumérées par un accord collectif ou par la loi (articles L. 1251-36 et L. 1251-37-1 du Code du travail).

Or, l’accroissement temporaire d’activité ne figure pas parmi ces exceptions.

Les juges du fond avaient constaté que les 15 contrats de mission mentionnaient ce motif, et qu’ils n’avaient pas été conclus pour des travaux urgents liés à des mesures de sécurité.

L’ETT aurait donc dû respecter un délai de carence entre chaque contrat.

Son manquement entraîne la requalification des contrats de mission en CDI.

L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.

4/ La responsabilité du respect du délai de carence incombe à l’ETT

La jurisprudence est constante : le non-respect du délai de carence entre deux contrats de mission caractérise l’existence d’un emploi permanent dans l’entreprise utilisatrice, ce qui justifie la requalification en CDI.

L’avis de l’avocat général apporte un éclairage sur l’erreur de la cour d’appel.

Il rappelle que c’est à l’ETT, et non à l’entreprise utilisatrice, de veiller au respect du délai de carence.

Si l’entreprise utilisatrice est condamnée, elle peut se retourner contre l’ETT pour obtenir réparation (Cass. soc. 14 février 2018, n° 16-21940 FSB ; Cass. soc. 12 novembre 2020, n° 18-18294 FSPBI).

En l’espèce, la cour d’appel a examiné l’affaire uniquement sous l’angle de l’entreprise utilisatrice, sans tirer les conséquences de la violation du délai de carence par l’ETT.

La Cour de cassation rappelle que l’intérimaire peut agir directement contre l’ETT lorsque les conditions légales du recours au travail temporaire ne sont pas respectées.

Il en résulte une requalification automatique en CDI.

Cass. soc. 15 janvier 2025, n° 23-20168 FSB (1er moyen)

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