Grève consécutive à une faute de l’employeur : ce qu’un syndicat peut réclamer en justice
La Cour de cassation rappelle qu’un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître que des salariés ont été contraints de faire grève en raison d’une faute de l’employeur.
Toutefois, il ne peut pas demander que l’employeur soit condamné à verser aux salariés grévistes les salaires non perçus pendant la grève, cette action relevant de l’initiative individuelle des salariés.
1/ Un syndicat saisit la justice après une grève liée à une faute de l’employeur
En 2018, des salariés d’une succursale française d’une société détenue par l’État portugais se mettent en grève du 17 avril au 30 juin pour protester contre des projets de restructuration.
Ils reprochent à leur employeur un manque d’information sur les risques pesant sur leur emploi, source d’un stress intense les ayant contraints à cesser le travail.
Le syndicat réclame alors en justice :
- Des dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession,
- La régularisation des salaires non versés aux grévistes.
La cour d’appel rejette ces demandes, et le syndicat se pourvoit en cassation.
2/ Les limites de l’action syndicale pour la défense de l’intérêt collectif
Les syndicats peuvent exercer en justice les droits réservés à la partie civile pour défendre l’intérêt collectif de la profession (Article L. 2132-3 du Code du travail).
Ils peuvent ainsi :
- Faire reconnaître une irrégularité de l’employeur par rapport aux dispositions légales ou conventionnelles,
- Demander des dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession,
- Obtenir une injonction pour mettre fin à l’irrégularité constatée.
En revanche, ils ne peuvent pas demander réparation des préjudices individuels des salariés, car cela relève de la liberté de chaque salarié d’engager une action en justice (Cass. soc. 11 septembre 2012, n° 11-22014).
Par exemple, un syndicat peut exiger le respect du maintien du salaire lors des jours fériés, mais pas obtenir les rappels de salaire pour les salariés concernés (Cass. soc. 6 novembre 2024, n° 22-21966).
3/ Un syndicat peut faire juger que des salariés ont été contraints de faire grève
La Cour de cassation confirme que si les salariés ont été contraints d’arrêter le travail en raison d’un manquement grave et délibéré de l’employeur, celui-ci peut être condamné à les indemniser (Cass. soc. 29 mai 1996, n° 94-41948).
Elle précise que l’action d’un syndicat visant à faire reconnaître cette contrainte relève bien de la défense de l’intérêt collectif de la profession.
Ainsi, le syndicat pouvait légitimement agir en justice pour faire reconnaître que la grève était due à une faute de l’employeur et demander des dommages-intérêts à ce titre.
4/ Un syndicat ne peut pas exiger la régularisation des salaires non versés
En revanche, la Cour de cassation confirme l’irrecevabilité de la demande du syndicat visant à obliger l’employeur à verser aux grévistes les salaires et primes dont ils ont été privés.
Elle rappelle que seuls les salariés concernés peuvent agir individuellement pour obtenir réparation de leur préjudice financier.