Une clause d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) conditionnant le versement d’indemnités à l’absence d’action en justice est nulle
Dans une décision du 22 janvier 2025, la Cour de cassation a confirmé qu’une clause d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), qui subordonne le versement d’indemnités à l’absence d’action en justice, est illicite.
Cette clause porte atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice et cause un préjudice aux salariés, qui doivent être indemnisés.
1/ Une clause du PSE contestée en justice
Dans cette affaire, une entreprise de plus de 300 salariés a mis en place un PSE dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique.
Plusieurs salariés licenciés ont contesté leur licenciement devant la justice, arguant que :
- Leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
- Le PSE était insuffisant.
- Une clause du PSE était illicite, car elle conditionnait le versement des indemnités au fait de ne pas engager d’action en justice contre l’employeur.
La cour d’appel leur a donné raison sur l’ensemble de ces points et a condamné l’employeur à verser 2 500 euros de dommages-intérêts par salarié pour la clause illicite.
L’employeur a alors saisi la Cour de cassation, qui a rejeté son pourvoi.
2/ Une clause interdisant toute action en justice en contrepartie d’indemnités
La clause en question prévoyait que :
- Les indemnités du PSE ne seraient versées que si aucun contentieux collectif (du Comité d’Entreprise ou du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) n’était engagé sur la régularité de la procédure de licenciement ou sur les mesures de reclassement.
- Chaque salarié licencié devait fournir une garantie écrite attestant qu’il n’engagerait pas de recours individuel contre son licenciement.
Cette clause était clairement destinée à empêcher les salariés de contester leur licenciement et à verrouiller tout contentieux contre l’entreprise.
Or, conditionner le versement d’un droit à la renonciation à une action en justice constitue une atteinte directe à la liberté fondamentale d’agir en justice, garantie par :
- Le Code du travail (article L. 1221-1).
- La Convention européenne des droits de l’homme (article 6, paragraphe 1).
3/ L’argument de l’employeur : la clause n’a pas été appliquée, donc pas de préjudice
L’employeur a tenté de minimiser la portée de la clause, en expliquant qu’elle n’avait pas été appliquée.
Il a souligné que les salariés avaient pu engager des actions en justice sans être sanctionnés, et a donc contesté la condamnation aux dommages-intérêts.
Selon lui, puisque les salariés ont pu agir librement, il n’y avait pas de préjudice, et donc pas de raison de l’indemniser.
4/ La Cour de cassation rejette cet argument et confirme la nullité de la clause
La Cour de cassation ne suit pas l’argumentation de l’employeur et rappelle que le simple fait qu’une clause illicite existe suffit à justifier un préjudice pour les salariés.
Elle valide le raisonnement de la cour d’appel, qui a estimé que :
- Même non appliquée, cette clause a créé une pression psychologique sur les salariés.
- Ce type de clause peut dissuader des salariés d’exercer leur droit fondamental à un recours en justice.
- Ce préjudice, bien que immatériel, est réel et doit être indemnisé.
L’entreprise est donc condamnée à verser 2 500 euros par salarié à ce titre.
5/ Conséquences pour les employeurs et les salariés
- Les employeurs ne peuvent pas insérer de clauses interdisant ou dissuadant les salariés d’engager une action en justice.
- Même si une telle clause n’est pas appliquée, elle reste illicite et expose l’employeur à des sanctions financières.
- Les salariés doivent être indemnisés si une pression leur a été imposée via une telle clause.
- Cette décision ne se limite pas aux PSE, elle s’applique à toute rupture du contrat de travail où un employeur tenterait d’empêcher un salarié d’exercer son droit d’agir en justice.
Référence : Cour de cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-11033 D.