L’employeur qui ne respecte pas la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique s’expose à une action en résiliation judiciaire
L’employeur qui ne respecte pas la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique ne peut pas se prévaloir de l’accord ou du refus donné par le salarié, même si celui-ci l’a consigné sur un écrit.
Ce dernier peut alors demander la résiliation de son contrat de travail.
1 L’affaire : un salarié accepte immédiatement la proposition de modification de son contrat pour motif économique
Proposition de réaffectation dans le cadre d’un PSE
Le 28 mars 2018, une entreprise conclut un plan de sauvegarde de l’emploi comportant un plan de départs volontaires par accord majoritaire.
Ce plan est validé par la DIRECCTE (remplacée depuis par la DREETS) le 20 avril 2018.
Le 15 mai 2018, un salarié (ouvrier polyvalent) est placé en arrêt de travail et dépose un dossier de candidature de départ volontaire comprenant un projet de reconversion.
Acceptation le jour même
Par une lettre du 28 juin 2018, la société propose de l’affecter à un poste en horaire de journée, en qualité de « remplaçant polyvalent au secteur finissage », à compter du 1er juillet 2018.
Le salarié signe, le même jour, ce document en faisant précéder sa signature de la mention « Bon pour accord ».
Demande de résiliation judiciaire du contrat
Le 7 janvier 2019, le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail au conseil de prud’hommes.
Licenciement
Déclaré inapte à son poste le 8 janvier 2019, le médecin du travail ayant indiqué que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, le salarié est licencié le 11 février 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
2 La procédure légale est incontournable
Régime de la résiliation judiciaire
Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail lorsqu’il estime que l’employeur a commis un manquement suffisamment grave à ses obligations, rendant impossible la poursuite de son contrat de travail (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-21372, BC V n° 86).
Le salarié invoque le non-respect de la procédure légale
Le salarié estime ici que l’employeur n’a pas respecté la procédure de proposition d’une modification du contrat de travail pour un motif économique, laquelle suppose que (Code du travail, articles L. 1222-6 et L. 1233-3) :
- L’employeur fasse la proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.
- Cette lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus, le défaut de réponse au terme de ce délai valant acceptation implicite de la modification du contrat.
Le salarié demande donc la résiliation de son contrat de travail.
Il est cependant débouté par la cour d’appel, qui relève notamment que le 1er juillet 2018, le salarié avait apposé « bon pour accord » sur le document présenté par l’employeur.
3 Une procédure qui vise à s’assurer du consentement éclairé du salarié
La Cour de cassation, reconnaissant que l’employeur n’avait pas respecté la procédure de modification pour motif économique, estime qu’il ne peut pas se prévaloir du fait que le salarié a accepté la modification de son contrat de travail.
Cette solution est classique (Cass. soc. 25 janvier 2005, n° 02-41819, BC V n° 18 ; Cass. soc. 27 mai 2009, n° 06-46293, BC V n° 137 ; Cass. soc. 28 septembre 2016, n° 15-16775 D).
Elle rappelle que la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique est incontournable.
Peu importe que, comme dans cette affaire, l’employeur ait recueilli l’acceptation expresse du salarié : il faut lui notifier la proposition de modification dans les formes requises et lui accorder le délai de réflexion d’un mois prévu par le Code du travail.
Car peut-on garantir la réalité du consentement d’un salarié qui, dans un contexte de licenciement économique (donc avec la crainte de perdre son emploi), accepte le jour même la proposition de modification de son contrat de travail qui vient de lui être faite ?
L’affaire sera rejugée par une cour d’appel.
Cass. soc. 5 février 2025, n° 23-11533 FD