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19 Mai 2025

Trop de contraintes tue l’astreinte… et en fait du temps de travail effectif

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1. En principe, le temps de l’astreinte n’est pas du temps de travail effectif
La période d’astreinte est définie comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (article L. 3121-9 du code du travail).
Le temps d’intervention pendant une astreinte constitue du temps de travail effectif, mais pas la période d’astreinte elle-même, sauf si les contraintes qui pèsent sur le salarié sont telles qu’il ne peut librement vaquer à ses occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).

 

2. Un gardien d’hôtel demande que ses permanences de nuit soient payées comme du temps de travail effectif
Le salarié devait assurer en moyenne quatre nuits d’astreinte par semaine au sein de l’hôtel, où il logeait dans une chambre de fonction.
À l’occasion de son licenciement, il a saisi les juges pour obtenir le paiement d’heures supplémentaires au titre de ces astreintes, réclamant 71 300 € + 10 % au titre des congés payés y afférents.

 

3. Pour la cour d’appel, les astreintes étaient bien des astreintes
La cour d’appel a jugé que les périodes de nuit correspondaient bien à des astreintes, et non à du temps de travail effectif, car :

  • Les interventions du salarié étaient limitées grâce à une borne d’accès 24h/24 permettant aux clients d’entrer librement dans l’hôtel.
  • Les interventions du salarié étaient régulières mais limitées par la vétusté des lieux et du matériel.

Cependant, faute pour l’employeur de fournir des éléments sur les temps d’intervention, la cour d’appel a condamné l’employeur à verser 7 824 € de rappel de salaire (+ 10 % au titre des congés payés y afférents), loin des demandes du salarié.

 

4. Devant la Cour de cassation, le salarié s’appuie sur le droit européen
Le salarié a contesté cette décision en soulignant que :

  • Son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel, ce qui l’obligeait à intervenir régulièrement.
  • La cour d’appel aurait dû vérifier si les contraintes des astreintes étaient d’une intensité telle qu’elles limitaient objectivement sa capacité à vaquer librement à ses occupations personnelles, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 9 mars 2021, aff. C-344/19, §§ 37 et 38).

5. Pour la Cour de cassation, si le salarié ne peut pas vaquer à ses occupations personnelles, c’est du travail effectif

La Cour de cassation rappelle que si les contraintes d’une astreinte affectent, objectivement et significativement, la faculté du salarié de gérer librement son temps libre, cette astreinte constitue du temps de travail effectif.
Les juges d’appel, qui avaient constaté que le salarié intervenait régulièrement, auraient donc dû vérifier si les contraintes subies atteignaient ce niveau d’intensité.

 

6. L’affaire sera rejugée
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel, qui devra examiner si les contraintes subies par le salarié pendant ses astreintes étaient suffisamment intenses pour qu’elles soient requalifiées en temps de travail effectif.

 

Référence : Cour de cassation, chambre sociale, 14 mai 2025, numéro 24-14319 FB