Harcèlement : un rapport d’enquête interne peut être une preuve, mais sous conditions
1. Un rapport incomplet ne permet pas de prouver le harcèlement reproché au salarié
Un directeur licencié pour harcèlement sexuel et agissements sexistes a contesté son licenciement.
L’employeur avait produit en appel seulement 5 comptes rendus d’audition sur les 14 réalisés, dont certains étaient caviardés ou anonymisés sans justification.
Certains témoignages relataient des faits non confirmés ou rapportés par des tiers.
L’employeur invoquait la volonté de préserver la vie privée des salariés auditionnés, sans apporter de preuve concrète de leur refus.
La cour d’appel a considéré que ce rapport incomplet ne permettait pas de prouver les faits reprochés.
2. Le juge apprécie la valeur probante d’un rapport d’enquête comme tout autre élément de preuve
La Cour de cassation confirme la solution.
Elle rappelle qu’en matière de harcèlement, il revient aux juges d’évaluer la force probante du rapport d’enquête interne au regard des autres éléments versés au débat (article L. 1333-1 du code du travail).
Lorsque le doute subsiste, il doit profiter au salarié mis en cause.
En l’espèce, la production partielle et tronquée du rapport d’enquête laissait présumer que des éléments favorables au salarié avaient été omis.
Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
3. Un outil utile mais non décisif en soi pour l’employeur
L’enquête interne peut être un outil à double finalité :
- répondre à l’obligation de sécurité de l’employeur (article L. 1153-5 du code du travail),
- et servir d’élément de preuve s’il décide de sanctionner un salarié (article L. 1153-6 du code du travail).
Mais elle n’a pas, à elle seule, une valeur probante automatique : le juge contrôle son contenu, sa méthode, son exhaustivité.
L’employeur n’est pas obligé d’interroger tous les collaborateurs (Cass. soc. 29 juin 2022, n° 21-11437 FSB), mais il doit justifier les éventuelles omissions.
Référence
Cass. soc. 18 juin 2025, n° 23-19022 FS-B.