Heures supplémentaires : la preuve doit être partagée entre le salarié et l’employeur
1. Le principe : une preuve partagée en matière d’heures supplémentaires
Lorsque le salarié réclame le paiement d’heures supplémentaires, il doit présenter des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
Mais il n’a pas à prouver seul la réalité des heures effectuées : la charge de la preuve est partagée (article L. 3171-4 du Code du travail).
En retour, l’employeur doit produire ses propres éléments relatifs au temps de travail (fiches de pointage, système de badgeage, etc.).
Le juge apprécie l’ensemble de ces éléments et peut ordonner des mesures d’instruction si besoin.
2. Le litige : des éléments jugés insuffisants par la cour d’appel
Dans cette affaire, une salariée réclame le paiement de nombreuses heures supplémentaires.
Elle produit un ensemble de pièces :
- des courriels envoyés très tôt ou très tard,
- sa fiche de poste et sa délégation de pouvoirs,
- des attestations de collègues sur son investissement,
- ses notes de frais et justificatifs de transport,
- ainsi que ses mandats de représentation et participations à des événements.
Mais la cour d’appel rejette sa demande, considérant que :
- elle n’a présenté aucun relevé horaire précis,
- les attestations ne remplacent pas un décompte,
- l’envoi de courriels à des horaires atypiques ne prouve pas une amplitude réelle de travail,
- elle disposait d’un jour de télétravail,
- et elle avait elle-même des attributions en matière de suivi du temps de travail.
3. La Cour de cassation casse la décision : les éléments étaient suffisants
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond :
Elle rappelle que le salarié doit seulement fournir des éléments « suffisamment précis », non un décompte parfait. En l’espèce, les documents produits par la salariée suffisaient à faire naître la discussion, et l’employeur aurait dû y répondre.
En faisant peser sur la salariée l’intégralité de la charge de la preuve, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du Code du travail.
4. Rappel des obligations de l’employeur
L’article L. 3171-2 du Code du travail impose à l’employeur de tenir un décompte individuel du temps de travail pour les salariés ne suivant pas un horaire collectif.
Ces documents doivent être présentés à l’inspection du travail (art. L. 3171-3).
En cas de contentieux, l’employeur doit justifier les heures réellement accomplies.
La jurisprudence confirme régulièrement ce partage de la preuve (voir notamment) :
- Cass. soc. 15 janvier 2025, n° 23-19046 FD,
- Cass. soc. 29 avril 2025, n° 24-11432 D).
Conclusion
La preuve des heures supplémentaires ne peut pas peser exclusivement sur le salarié.
S’il produit des éléments sérieux, même incomplets, l’employeur doit répondre. Le juge ne peut exiger du salarié un décompte parfait sans méconnaître l’équilibre instauré par la loi.
Cass. soc. 9 juillet 2025, n° 24-16397 D