Inaptitude : la Cour de cassation rappelle la définition précise du groupe de reclassement
1. Obligation de reclassement en cas d’inaptitude
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement compatible avec les capacités du salarié, en tenant compte de l’avis médical.
Cette obligation s’applique à l’intérieur de l’entreprise, mais aussi au sein du groupe, si l’entreprise en fait partie (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail).
Le groupe s’entend :
- comme un groupe de sociétés au sens capitalistique du Code de commerce (entreprise dominante + entreprises contrôlées : art. L. 233-1, L. 233-3, L. 233-16 du Code de commerce),
- sous condition de permutation possible du personnel entre les entités situées sur le territoire national.
2. Le litige : une salariée invoque un groupe mutualiste de reclassement
Une salariée d’une société mutualiste est déclarée inapte à son poste mais apte à un poste de secrétaire.
L’employeur ne lui propose aucun reclassement et la licencie.
La salariée conteste la rupture devant le conseil de prud’hommes : selon elle, son employeur appartient au groupe Mutualité française, et aurait dû chercher à la reclasser dans d’autres entités mutualistes (PACA, Normandie, Grand Sud, etc.).
L’employeur nie l’existence d’un groupe au sens juridique.
3. La cour d’appel reconnaît un groupe de reclassement sur des indices insuffisants
La cour d’appel de Dijon (7 décembre 2023) donne raison à la salariée en s’appuyant sur :
- la similitude des dénominations sociales des autres entités mutualistes,
- le nombre d’établissements recensés dans les documents produits par la salariée.
Elle condamne l’employeur pour manquement à l’obligation de reclassement, et juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
4. La Cour de cassation casse l’arrêt pour défaut de base légale
La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié l’existence du groupe de reclassement selon les critères légaux.
Elle rappelle que cette existence suppose :
- des liens capitalistiques de contrôle entre les sociétés (au sens du Code de commerce),
- et une permutation possible du personnel entre les entités situées en France.
Le simple fait que plusieurs entités mutualistes portent des noms proches ne suffit pas à établir l’existence d’un groupe au sens de la loi.
La cour d’appel ne pouvait donc pas conclure à l’existence d’un groupe de reclassement sans examiner les conditions précises posées par le Code du travail.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.
Conclusion
En matière d’inaptitude, un employeur ne peut être condamné pour manquement à l’obligation de reclassement au sein du groupe que si l’existence de ce groupe est juridiquement établie.
Les juges doivent impérativement vérifier les conditions capitalistiques et fonctionnelles prévues par la loi, sans se contenter d’indices généraux ou d’une simple appartenance à une même fédération ou mouvement (comme la mutualité).
Cass. soc. 9 juillet 2025, n° 24-11169 D
https://www.courdecassation.fr/decision/686e0218e0a6f0ca1546ef20
CA Dijon 7 décembre 2023, RG n° 22/00201
https://www.courdecassation.fr/decision/6572c200aab841831820b791