Refus d’un accord de performance collective : le juge doit vérifier le fond du motif de licenciement
1. Le refus d’un APC constitue un motif spécifique de licenciement
Lorsqu’un salarié refuse une modification de son contrat de travail résultant d’un accord de performance collective(APC), l’employeur peut le licencier pour un motif spécifique qualifié de cause réelle et sérieuse (article L. 2254-2 du code du travail).
Ce motif est dit sui generis, c’est-à-dire autonome : il ne repose ni sur un motif personnel, ni sur un motif économique traditionnel.
2. L’affaire : une salariée licenciée pour avoir refusé une mobilité prévue par un APC
Une salariée comptable est licenciée en 2019 pour avoir refusé une modification de son lieu de travail, décidée dans le cadre d’un accord de GPEC intégrant un chapitre APC.
Elle conteste le licenciement, en faisant valoir :
- que les clauses de mobilité n’étaient pas formalisées dans un chapitre spécifique,
- que l’APC n’était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise,
- que le projet de centralisation invoqué n’était même pas mentionné dans l’accord.
3. La cour d’appel valide le licenciement après un contrôle de forme
La cour d’appel écarte les arguments de la salariée, estimant que :
- le chapitre APC était formellement présent,
- l’accord faisait état d’objectifs stratégiques,
- le juge n’a pas à apprécier le bien-fondé économique des choix exposés dans l’accord.
4. La Cour de cassation impose un contrôle de fond
La Cour de cassation casse l’arrêt.
Elle rappelle que le juge doit apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement en vérifiant deux éléments :
- la conformité de l’APC aux dispositions légales (article L. 2254-2 du code du travail),
- la justification de l’accord par de véritables nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, conformément à l’article 4 de la Convention n° 158 de l’OIT.
La Cour précise qu’il n’est pas nécessaire que ces nécessités soient liées à des difficultés économiques, à une mutation technologique ou à une sauvegarde de compétitivité.
Mais elles doivent exister objectivement, et le juge doit en vérifier l’existence.
5. Une vigilance accrue pour les employeurs
L’arrêt invite les employeurs à :
- documenter précisément les nécessités qui justifient la mise en place de l’APC,
- ne pas se contenter de formules vagues ou de finalités générales,
- prévoir dans l’accord des éléments concrets sur les contraintes ou objectifs de fonctionnement, pour sécuriser les licenciements « sui generis » ultérieurs.
📌 Cass. soc. 10 septembre 2025, n° 23-23231 FSB