Licenciement pour insuffisance professionnelle : évoquer des difficultés de communication touche à la liberté d’expression du salarié
Dans un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour de cassation rappelle qu’un licenciement fondé, même partiellement, sur le manque de communication d’un salarié avec sa hiérarchie peut mettre en cause l’exercice de sa liberté d’expression.
Dès lors, si le licenciement repose sur l’exercice non abusif de cette liberté, il est nul de plein droit.
1. La liberté d’expression du salarié : un principe fondamental
L’article L. 1121-1 du Code du travail garantit au salarié la liberté d’expression, dans et en dehors de l’entreprise.
Cette liberté n’est limitée que par l’abus, c’est-à-dire lorsque les propos deviennent injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Un licenciement motivé, même en partie, par l’exercice non abusif de cette liberté est entaché de nullité, car il touche à un droit fondamental.
La Cour rappelle aussi que l’abus de cette liberté doit figurer explicitement dans la lettre de licenciement, faute de quoi l’employeur ne peut s’en prévaloir pour justifier la rupture.
2. L’insuffisance professionnelle : un motif encadré
L’insuffisance professionnelle se caractérise par une incapacité objective et durable du salarié à exercer son emploi de manière satisfaisante, notamment en raison d’un manque de compétences, d’erreurs répétées ou d’une désorganisation manifeste.
Ce motif de licenciement doit être objectif, circonstancié et vérifiable, et ne peut masquer des reproches liés à la personnalité ou à l’expression d’opinions.
3. Le cas d’une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle en raison d’un manque de communication
Une salariée est licenciée le 1er février 2019 pour insuffisance professionnelle.
La lettre de licenciement souligne son incapacité à communiquer avec ses responsables hiérarchiques, en particulier avec sa supérieure directe qu’elle aurait dénigrée depuis plus d’un an.
La salariée conteste la rupture, estimant que cette motivation touche à sa liberté d’expression.
La cour d’appel rejette sa demande, considérant que le licenciement reposait uniquement sur une insuffisance professionnelle, sans lien avec l’expression d’opinions.
4. La Cour de cassation censure cette analyse
La Haute juridiction estime que la mention dans la lettre de licenciement d’une « incapacité à communiquer » implique nécessairement une appréciation du comportement verbal ou critique de la salariée.
Or, ce terrain relève de la liberté d’expression, sauf abus caractérisé.
Les juges auraient donc dû :
- examiner le licenciement au regard de cette liberté fondamentale ;
- et vérifier si les propos tenus par la salariée étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs, seuls susceptibles de justifier une sanction.
Faute de cette analyse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour réexamen.
Cass. soc., 17 septembre 2025, n° 24-11.090 F-D