Suicide au travail : la faute inexcusable de l’employeur reconnue lorsqu’il a été alerté sur les risques psychosociaux
La Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt du 25 septembre 2025, qu’un employeur commet une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel un salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Tel est le cas d’un employeur qui, informé des effets délétères de ses pratiques managériales, n’a pas agi malgré les alertes du médecin du travail et de la salariée elle-même, avant le suicide de cette dernière.
1. L’obligation de sécurité et la notion de faute inexcusable
L’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
S’il démontre avoir mis en œuvre ces mesures, il est considéré comme ayant rempli son obligation.
Mais lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas agi, sa faute inexcusable est caractérisée.
La reconnaissance de cette faute permet à la victime — ou à ses ayants droit en cas de décès — d’obtenir une réparation intégrale du préjudice, notamment par la majoration de la rente d’incapacité permanente.
2. Le cas d’une salariée victime d’un suicide reconnu comme accident du travail
Une salariée, récemment licenciée, s’est suicidée.
La CPAM a reconnu son décès comme un accident du travail, et ses ayants droit ont demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Ils ont produit plusieurs éléments montrant que le médecin du travail avait informé l’entreprise de la dégradation de la santé de plusieurs salariés et l’avait mise en garde sur la nécessité de prévenir les risques psychosociaux.
De plus, la salariée avait adressé un courrier à son employeur décrivant son stress quotidien et les difficultés rencontrées au travail.
Malgré cela, la cour d’appel avait rejeté la demande, estimant que le médecin du travail n’avait pas mentionné la situation personnelle de la victime et que son courrier ne révélait pas de fragilité psychologique.
3. La Cour de cassation sanctionne l’inaction de l’employeur
La Cour de cassation casse cette décision.
Elle considère qu’il ressortait clairement du dossier que l’employeur avait été alerté sur les risques psychosociaux au sein de l’entreprise et aurait dû avoir conscience du danger.
En ne prenant aucune mesure pour y remédier, il a commis une faute inexcusable.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour réévaluation.
4. La prévention du suicide au travail
Le ministère du Travail a publié, en septembre 2025, une fiche de prévention du suicide au travail rappelant que la prévention des risques psychosociaux (RPS) est une obligation centrale de l’employeur.
Elle recommande notamment :
- une approche collective, par la formation du management à la détection des signaux faibles (isolement, irritabilité, fatigue, changement de comportement) ;
- une approche individuelle, par la mise en place de cellules d’écoute ou de dispositifs d’accompagnement psychologique.
Cass. civ., 2e ch., 25 septembre 2025, n° 23-14.460 D