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4 Nov 2025

Forfait jours : nullité en cas d’accord collectif insuffisant sur le suivi de la charge de travail

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Dans un arrêt du 24 septembre 2025, la Cour de cassation rappelle qu’une convention de forfait en jours conclue sur le fondement d’un accord collectif dépourvu de garanties suffisantes pour assurer un suivi réel et régulier de la charge de travail est nulle.
Sans mécanisme effectif de contrôle et d’alerte, l’accord ne permet pas de garantir le respect du droit à la santé et au repos du salarié.

 

1. Le cadre légal du forfait jours

Le recours au forfait annuel en jours est strictement encadré :

  • il doit être prévu par un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de branche (article L. 3121-63 du Code du travail) ;
  • il doit faire l’objet d’une convention individuelle écrite entre l’employeur et le salarié (article L. 3121-55 du Code du travail).

L’accord collectif doit impérativement fixer des modalités précises de suivi :

  • évaluation et suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • communication périodique entre le salarié et l’employeur sur cette charge ;
  • possibilité d’alerter en cas de surcharge ou d’atteinte à la santé (articles L. 3121-60 et L. 3121-64, II du Code du travail).

À défaut de telles garanties, la convention de forfait-jours est illicite, et le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées.

 

2. Les faits : un accord collectif jugé insuffisant

Un salarié avait conclu en octobre 2016 une convention de forfait-jours fondée sur un accord d’entreprise du 1er septembre 2016.
Après une rupture conventionnelle intervenue en 2019, il saisit les prud’hommes pour faire constater la nullité du forfait-jours, estimant que l’accord ne garantissait pas un suivi effectif de sa charge de travail.

La cour d’appel de Paris lui donne raison, relevant notamment que :

  • le contrôle du temps de travail par le manager n’était pas défini dans ses modalités concrètes ;
  • le bilan annuel manquait d’effectivité, faute de cadre précis ;
  • aucun dispositif d’alerte n’était prévu pour signaler une surcharge ou un risque pour la santé.

3. La Cour de cassation confirme la nullité du forfait-jours

La Haute juridiction valide cette analyse.
Elle rappelle que le droit à la santé et au repos constitue une exigence constitutionnelle et que les adaptations du temps de travail doivent respecter les principes européens de sécurité et de santé des travailleurs (directive 2003/88/CE, article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).

Elle juge que l’accord collectif en cause n’assurait pas un suivi réel et régulier de la charge de travail permettant de corriger les dépassements éventuels « en temps utile ».
En conséquence, l’accord est jugé illicite, et la convention de forfait-jours du salarié est nulle.

 

4. Comment compenser un accord collectif insuffisant ?

L’article L. 3121-65 du Code du travail permet à l’employeur de compenser les carences d’un accord collectif inadapté, en mettant en place :

  • un document de contrôle recensant les jours et demi-journées travaillés ;
  • un entretien annuel obligatoire sur la charge de travail, l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et la rémunération ;
  • un mécanisme de suivi garantissant le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.

Ces mesures peuvent éviter la nullité de la convention de forfait et sécuriser juridiquement le dispositif dans l’attente d’une révision de l’accord collectif.

 

Cass. soc., 24 septembre 2025, n° 24-14.577 D

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